Gurdjieff International Review

Les Déchets

A.L. Staveley

Q

uand les êtres du continent Atlantide sont allés au bord de la mer d'Abondance pour chasser les Pirmarals, ils ont trouvé un pays décrit comme suit :

« A cette époque, ce pays était en effet si merveilleux et si « souptaninalnien » pour l’existence êtrique ordinaire, qu'il devait forcément séduire tout être tant soit peu doué de pensée.

Sur cette terre existait alors d’innombrables troupeaux de ces êtres bi-cérébraux nommés « pirmarals » ; de plus, tout autour de cette étendue d’eau, poussait une végétation exubérante, et quantité d’arbres dont les fruits servaient alors à tes favoris d’aliment principal pour leur « première nourriture êtrique ».

Ces rivages étaient également peuplés d’une telle multitude d’êtres uni-cérébraux et bi-cérébraux, appelés « oiseaux », que lorsqu'ils volaient par bandes « le ciel en était tout obscurci », comme ils disaient.

Dans les eaux de cette « mer d’Abondance » située au centre du pays, les poissons proliféraient tellement qu'on pouvait presque les attraper à la main.

Quant au sol même du littoral et des vallées où coulaient ces deux grands fleuves, la moindre de ses parcelles était si fertile qu’on aurait pu y faire pousser n'importe quoi. » [1]

Naturellement, ils ont décidé de s'y installer. C'était il y a plusieurs siècles et de très nombreuses générations se succédèrent. Aujourd'hui, comme dans d'autres régions d'Asie, le sol est épuisé. L'abondance de la nature a été dévastée. Mourir de faim n'est pas un événement rare parmi les habitants de cette partie de la planète autrefois abondante. Les fautes des anciens se sont répercutées sur les enfants. Naturally they decided to settle down there and did. That was many centuries ago and many, many generations came and went. Today, as in other parts of Asia, the soil there is exhausted. Nature’s plenty has been laid waste. Death by starvation is no uncommon event amongst the inhabitants of this once bountiful part of the planet. The sins of the fathers have been visited on the children.

La description ci-dessus des rives de la mer d'Abondance, telle qu'elle était à l'origine, n'est pas très différente de tout ce que nous avons vu et entendu au sujet de cette partie de la planète que nous habitons actuellement. Peu de générations se sont succédées, mais des signes sont déjà apparents laissant entrevoir qu'ici aussi un processus a commencé qui laissera inévitablement cette terre également stérile et dévastée ; et cela dans moins d'un siècle. Tout s'est accéléré. Il est peut-être trop tard pour inverser le processus. Néanmoins, ce n'est pas une nouvelle idée originale. Des prophètes criant : « Malheur, malheur ! » ne manquent pas aujourd'hui et tant de choses ont été dites et écrites sur le sujet que nous sommes excédés d'en entendre parler. Nous pensons comme ceci : Il semble que quelqu'un devrait faire quelque chose ! Mon appareil auto-tranquillisateur me dit qu'ils le font probablement – ça ira, du moins de mon vivant – et de toute façon, je ne peux rien y faire, ce n'est pas de ma faute, ce n’est pas moi qui ai utilisé les bisons pour m’entraîner au tir, et ainsi de suite toujours dans la même veine.

Il peut vous sembler que ce genre de choses n'a rien à voir avec notre travail. Mais il me semble que cela nous concerne de très près et pas seulement dans le gaspillage des ressources naturelles mais dans ce que nous sommes et pourrions être. Ce qui transforme une terre riche en désert, ce n'est pas l'usage mais le gaspillage. Et les gaspilleurs sont, tout simplement, en dernière analyse, vous et moi et des millions comme nous. C’est notre cupidité, notre paresse, notre stupidité, notre vanité et notre insouciance qui dévastent la planète entière. Personne n'aime en parler. Même les prophètes qui crient « malheur » n'en disent pas grand-chose. Peut-être qu'ils en ont peur. Les gens comme nous n'aiment pas que leur mécanisme d'auto-tranquillisation soit attaqué et préfèrent se retourner contre les prophètes et les mettre en pièces. On sait que cela est déjà arrivé !

Ce n'est pas le fabricant de papier qui est responsable des forêts détruites. Ils fabriquent du papier à partir d'arbres vivants parce que vous et moi désirons des produits en papier et en gaspillons tellement. Il est plus facile d'utiliser du papier ménage, des serviettes en papier, etc., et de les jeter que d'utiliser et d'entretenir un tissu qui dure longtemps. Ce ne sont pas les fabricants d'innombrables produits ménagers, dont la production pollue les cours d'eau et qui ont d'autres effets délétères sur l'équilibre complexe de la Nature, qui sont à blâmer, mais vous et moi qui les utilisons. Tant que nous les achèterons, ils seront fabriqués. Je vous entends penser : « Oh, allez ! Le peu que j'utilise ne fera pas autant de différence. Ils économisent du temps et du travail. » Peut-être. Mais 1 000 000 qui disent la même chose ? 5 000 000 ?

Si je regarde vraiment, je vois que j'ai ma part dans le gaspillage. Ma paresse, ma cupidité, mon insouciance enflent le courant. Il faut du travail, de la réflexion et de l'attention pour éliminer correctement les déchets et aider la Nature à mener à bien ses processus de recyclage plus rapidement et plus efficacement. Il est facile de mettre les déchets dans un sac en plastique pour aller à la décharge. Et après ? Ils vont probablement dans une décharge où toute valeur qu'ils avaient comme engrais est perdue pour qui sait combien de temps ? – jusqu'à ce que le prochain tremblement de terre redistribue cette partie de la surface de la planète ou la recouvre encore plus profondément de sorte que la fine couche de sol sur laquelle la vie organique peut exister en soit appauvrie d’autant.

Nous, nos enfants et les enfants de nos enfants devront payer quand nous n'aidons pas la Nature, mais ce n'est peut-être pas le point qui me préoccupe en ce moment. Je suis une particule de l'humanité. Ce qui passe à travers l'humanité dans son ensemble m'affecte aussi – dans ce cas la cupidité, la paresse, etc. Cela peut être observé dans ma compréhension, mon attitude à l’égard du gaspillage. Ainsi, mes propres possibilités sont gaspillées, de la même façon que la générosité de la Nature, quand l'avidité, la paresse, la vanité, l'insouciance et ainsi de suite régissent mes actions. Qu'est-ce que le gaspillage – pour moi, en moi ? Comment être plus conscient de la façon dont je gaspille ma substance, mes potentialités quand je « gagne du temps » en travaillant dans le désordre ou en le laissant derrière moi ? En utilisant des raccourcis ? En justifiant un travail bâclé, en ne complétant pas chaque processus ? En permettant à cette pensée « Quelqu'un d'autre devrait faire ça ? » de trouver sa place en moi.

Le temps passe. Ce que je ne fais pas maintenant ne sera pas fait. Que puis-je préparer pour les enfants de mes enfants, à l'intérieur et à l'extérieur de moi ?

Annie Lou Staveley, Themes II (1982) Aurora, OR: Two Rivers Press, p. 12–14.


[1] G.I. Gurdjieff, Récits de Belzébuth à son petit-fils, Editions du Rocher, p. 204-205.

 

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Version Française Traduite par :
     Equipe “Travail et Planète" (Institut Gurdjieff de Paris).

Featured: Numéro d'hiver 2019/2020, Vol. XIV No. 1.
Revision: July 1, 2024