Gurdjieff International Review
R
appelez-vous qu’il n’y a rien d’inanimé ni de mort dans la nature. Chaque chose est vivante, intelligente et consciente à sa manière ; mais cette conscience et cette intelligence s’expriment selon des modes différents, sur les divers niveaux d’être, c’est-à-dire sur des échelles différentes. Vous devez comprendre une fois pour toutes que rien n’est mort, il y a simplement divers degrés d’animation et diverses échelles. [1]
Dans la nature, tout se tient, et tout est vivant.[2]
Toute chose absorbe, c'est-à-dire se nourrit de quelque chose, et sert à son tour de nourriture. C'est là ce que signifie « échange réciproque ». Cet échange réciproque s'effectue en tout, aussi bien dans la matière organique que dans la matière inorganique.
Comme je l'ai dit, tout est mouvement. [3]
En ce moment, nous parlons de l'amour pour la vie. Partout où il y a la vie, à commencer par les plantes, les animaux, en un mot partout où la vie existe, il y a l'amour. Chaque vie est une représentation de Dieu. Quiconque peut voir la représentation verra Celui qui est représenté. Chaque vie est sensible à l'amour. Même les choses inanimées comme les fleurs, qui n'ont pas de conscience, comprennent si vous les aimez ou non. Même la vie inconsciente réagit d'une manière différente envers chaque homme et fait écho à ses réactions…
Il est très important pour un homme qui travaille sur lui-même de comprendre qu'un changement ne peut s'opérer en lui que s'il change d'attitude envers le monde extérieur. En général, vous ne savez pas ce qui doit être aimé…
Il est mieux de commencer avec le monde des plantes ; à partir de demain, essayez de regarder les plantes comme vous ne les avez encore jamais regardées. Chacun de nous est attiré par certaines plantes et non par d'autres. Peut-être n'avons-nous pas encore remarqué cela. D'abord vous devez regarder la plante, puis comprendre pourquoi cette attirance ou cette aversion est là. Je suis sûr que chacun éprouve ou ressent quelque chose. C'est un processus qui prend place dans le subconscient, et le mental ne le voit pas ; mais si vous commencez à regarder consciemment, vous verrez beaucoup de choses, vous découvrirez beaucoup d' « Amériques ». Les plantes, comme les hommes, ont des relations entre elles, et il existe aussi des relations entre les plantes et les hommes, mais elles changent de temps en temps. Toutes les choses vivantes sont liées les unes aux autres. Cela s'applique à tout ce qui vit. Les choses dépendent toutes les unes des autres.
Les plantes agissent sur les humeurs de l'homme et l'humeur de l'homme agit sur l'humeur de la plante. Pendant toute notre vie nous en ferons l'expérience. Même des fleurs en pot vivront ou mourront en fonction de nos humeurs. [4]
« Pour rendre la chose plus claire, ton âne, attaché dans ton écurie, sera un très bon exemple.
« Envers ton âne, tu abuses des possibilités que t'a données Notre Créateur Commun, car si cet âne se trouve aujourd'hui par force en ton écurie, c'est uniquement parce qu'il a été créé bi-cérébral ; et il a été créé bi-cérébral parce que cette organisation de sa présence générale est indispensable à l'existence cosmique sur les planètes...
« Quant à toi, tu as été créé, non seulement pour servir ce même but d'existence cosmique sur les planètes, mais aussi comme « champ d'espérance » pour Notre Créateur Commun Tout-Miséricordieux ; en d'autres termes, tu as été créé avec la possibilité de revêtir en ta présence la « Grandeur sacrée » par excellence, pour l'avènement de laquelle l'Univers entier lui-même a été créé. Mais en dépit des possibilités qui te furent conférées – celles d'un être tri-cérébral et par cela même capable d'un « penser logique » – tu n'appliques point cette propriété sacrée au but en vue duquel elle t'a été donnée, mais tu la manifestes sous forme de « ruse » envers les autres créatures – dans le cas présent, par exemple, envers l'âne qui t'appartient. [5]
« Pour Lui, la vie des hommes et celle des êtres de toutes formes ne présentent aucune différence.
« Et les hommes sont « vie », et les êtres d'autres formes extérieures sont « vie ». [6]
« Je te le répète, pour Notre Créateur Commun, les êtres de tous systèmes de cerveaux, existant sur la terre, dans la terre, dans l'eau et dans les airs, sont tous sans exception, les plus petits comme les plus grands, également indispensables à l'harmonie d'existence universelle.
« Et puisque c'est cet ensemble de toutes les sortes d'êtres qui constitue la forme de processus d'existence universelle requise par Notre Créateur, l'essence de chaque être Lui est également précieuse et également chère.
« Pour Notre Créateur Commun, les êtres ne sont que des parcelles d'existence d'une seule Essence qu'Il spiritualise. [7]
« Cette action monstrueuse et anti-divine se commet ici sur chaque place et dans chaque maison, et pourtant il ne vient à l'esprit d'aucun de ces malheureux que ces êtres, dont nous détruisons en ce moment l'existence, sont tout aussi chers que nous à Celui qui les a créés, et que s'Il a créé ces autres formes d'êtres, c'était certainement en vue de quelque but. »
Ayant ainsi parlé à mon ami le grand-prêtre Abdil, j'ajoutai :
« Et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que tout homme qui détruit l'existence d'autres êtres en l'honneur de ses idoles vénérées, le fait de tout son cœur, pleinement convaincu qu'il exécute une « bonne action ».
« Si chacun d'eux prenait conscience du fait qu'en détruisant l'existence d'un autre être, il commet au contraire une mauvaise action envers le vrai Dieu comme envers tout Saint véritable, et suscite même en leur Essence de la tristesse et de l'affliction, à l'idée qu'il existe dans le Grand Univers de pareils monstres « à l'image de Dieu », capables de se manifester de manière si indigne et si impitoyable envers d'autres créatures de Notre Père Commun – si chacun d'eux, je le répète, en prenait conscience, je suis absolument certain qu'ils accepteraient tous, et de tout cœur, de ne plus détruire l'existence d'êtres d'autres formes pour les offrir en sacrifice.
« Et peut-être alors serait observé sur la Terre le dix-huitième commandement de Notre Créateur Commun, qui ordonne :
« Aime tout ce qui respire » [8]
« Loué sois-tu, ô Créateur, de n'avoir pas fait les dents du loup comme les cornes de mon cher buffle, car je peux aujourd'hui faire toutes sortes de peignes ravissants pour mon aimable épouse ». [9]Et lorsque je m'intéressai à tes favoris et me mis à observer et à étudier leur étrange psychisme, je compris pourquoi et à quelles fins la Grande Nature, ainsi que les plus Hauts et les plus Saints Individuums, s'adaptent toujours patiemment à toutes choses.
A ce propos, il se forma en moi l'opinion suivante :
Si seulement tes favoris avaient bien réfléchi à cela, et s'ils s'étaient efforcés en toute honnêteté de servir la Nature à cet égard, peut-être leur perfectionnement êtrique aurait-il pu se faire de manière automatique, presque sans participation de leur conscient ; en tout cas, la pauvre Nature de leur infortunée planète n'aurait pas été forcée de peiner afin de s'adapter, et de sauvegarder ainsi l’harmonie cosmique générale.
« Mais, pour le malheur de tout ce qui existe dans le Mégalocosmos, tes favoris ne mettent pas la moindre honnêteté à remplir leurs devoirs envers la Nature, à laquelle ils sont pourtant redevables, strictement parlant, de leur existence même. » [10]
Mais plus tard, lorsqu'ils se furent mis à exister de manière de moins en moins digne d'êtres tri-cérébraux et qu'ils eurent complètement cessé de réaliser en leurs présences les partkdolgdevoirs êtriques prévus par la Grande Nature, et seuls susceptibles de fournir à la présence des êtres tri-centriques des données pour le revêtement des parties supérieures – en sorte que la qualité de leur rayonnement ne répondait plus aux exigences du grand processus trogoautoégocratique universel – la Grande Nature fut contrainte, en vue de rétablir l'« équilibre des vibrations », de conformer progressivement la durée de leur existence au principe appelé « Itoklanotz » qui régit en général partout la durée d'existence des êtres uni-cérébraux et bi-cérébraux, lesquels sont privés des possibilités départies aux êtres tri-cérébraux et sont par conséquent incapables de réaliser en leurs présences les partkdolgdevoirs prévus par la Nature. [11]
Tout récemment encore, il y a quatre ou cinq siècles à peine, une dernière société fut constituée sur le continent d’Asie, dans la ville nommée, je crois, « Mossoulopolis ». Cette société fut appelée : « La Terre appartient au Créateur Commun, elle est également libre pour toutes Ses créatures ».
Mais bientôt, une dispute ayant éclaté parmi ses membres, elle changea de nom, et porta par la suite, avant de disparaître, celui de : « La Terre n'appartient qu'aux hommes » [12]
« Mieux vaut arracher chaque jour dix cheveux sur la tête de sa propre mère que de ne pas aider la Nature. » [13]
Tous les êtres de cette planète s'étant mis à travailler en vue d'acquérir en leur conscient cette divine fonction de « véritable conscience », ils transmuèrent en eux à cette fin, comme cela se fait partout dans l'Univers, ce qu'on appelle les « tendances êtriques obligoluées », soit les cinq tendances suivantes :
La première : avoir, au cours de son existence êtrique ordinaire, tout ce qui est réellement indispensable et satisfaisant pour son corps planétaire.
La seconde : avoir constamment en soi un besoin instinctif inextinguible de perfectionnement, dans le sens de l'Être.
La troisième : s'efforcer consciemment de connaître toujours plus à fond les lois de la création du monde et de l'existence du monde.
La quatrième : payer dès le commencement et au plus vite pour sa venue au monde et pour son individualité, afin d'être libre, par la suite, d'alléger dans toute la mesure du possible l'affliction de Notre Père Commun.
Et la cinquième : toujours seconder ses semblables, ainsi que les êtres d'autres formes, en vue de leur perfectionnement accéléré jusqu'au degré de « Martfotaï sacré », c'est-à-dire jusqu'au degré d'auto-individualité. [14]
« Cela va sans dire : Dieu pardonne tout ; cela a même pris force de loi dans le monde.
Mais aucune de Ses créatures – l'homme pas plus que les autres – ne doit abuser de cette Bonté toute-miséricordieuse et partout-pénétrante, et il est de leur devoir à toutes non seulement de veiller à tout ce qui fut créé par Lui mais encore de le maintenir. [15]
Vous devez à la nature la nourriture que vous mangez qui nourrit votre vie. Vous devez payer pour ces substances cosmiques. Vous avez une dette, une obligation, de rembourser par un travail conscient. [16]
Ce que nous devons faire, c'est apprendre à dépenser notre énergie de manière économe. La nature nous a formés pour que nous puissions avoir assez d'énergie pour faire les deux types de travail, le travail de la vie ordinaire et le travail sur nous-mêmes. [17]Jamais je n'oublierai la dernière conversation que j'eus avec lui, (Professor Skridlov) sur le sommet du mont Bechtaou...
Bien que le mont Bechtaou fût relativement peu élevé, nous découvrîmes, en atteignant le sommet, un panorama d'une beauté et d'une étendue vraiment extraordinaires…
Nous nous installâmes sur un rocher et nous mîmes à manger. Chacun de nous, subjugué par la grandeur de la Nature, pensait ses propres pensées.
Tout à coup mon regard s’arrêta sur le visage du professeur, et je vis que des larmes coulaient de ses yeux.
– Qu’avez-vous, mon vieil ami ? lui demandai-je ...
« Il est très difficile d'expliquer ce qui se passe en moi lorsque je vois ou entends quelque chose de sublime, dont on ne peut douter que ce soit l'œuvre de Notre Créateur et Auteur – mais cela fait toujours couler mes larmes. Je pleure, c'est-à-dire qu'il se pleure en moi non pas de chagrin, non… mais d’attendrissement profond, pourrais-je dire. [18]
Ayant dit, Belzébuth réfléchit un peu, puis reprit avec un léger sourire :
– Cette Sainte Planète du Purgatoire n'est pas seulement le point de concentration des résultats du fonctionnement de tout ce qui existe, elle est aussi la meilleure, la plus riche et la plus belle de toutes les planètes de notre Univers. ... Quant à l'atmosphère, elle y était aussi pure que ce que l'on appelle le « cristal sakroualnien phénoménal ».
Chaque individu, là-bas, ressent de toute sa présence le monde extérieur de manière « iskoliounitsirienne », ou, comme auraient dit tes favoris, « délicieusement enchanteresse ».
Sur cette sainte planète, les sources minérales ou naturelles, auxquelles, au dire des connaisseurs, ne sauraient être comparées, pour leur pureté et leur limpidité, celles d'aucune autre planète de Notre Grand Univers, sont au nombre d'une dizaine de mille.
De tous les coins de notre Univers y ont été rassemblées, au dire des experts, près de douze mille espèces d'oiseaux chanteurs, parmi les plus beaux et les meilleurs.
Quant aux formations sus-planétaires telles que « fleurs », « fruits », « baies » et autres, nous n’en parlerons même pas. Disons seulement que l'on a réuni et acclimaté presque toute la « flore », la « faune » et la « phoskalie » de toutes les planètes de Notre Grand Univers.
Partout, sur cette sainte planète, sont aménagées, dans des gorges bien situées, des cavernes confortables de forme intérieure variée, les unes naturelles, les autres artificielles, sur le seuil desquelles on jouit d'une vue saisissante, et où l'on trouve tout ce que peut exiger une existence de calme et de félicité, épargnant tout souci êtrique aux diverses parties de la présence de tout Individuum cosmique indépendant – tels que peuvent le devenir les corps êtriques suprêmes.
En ces cavernes existent donc, à leur choix, tous les corps êtriques suprêmes qui, en raison de leurs mérites, viennent, de tout Notre Grand Univers, poursuivre leur existence sur cette sainte planète. [19] □
[1] P.D. Ouspensky, Fragments d’un Enseignement Inconnu (1984) Editions Stock, p. 444.
[2] Ibid., p. 450.
[3] G.I. Gurdjieff, Gurdjieff parle à ses élèves (1995) Editions du Rocher, p. 272.
[4] Ibid., p. 312-314.
[5] G.I. Gurdjieff, Récits de Belzébuth à son petit-fils (1976) Editions Denoël, p. 189-190.
[6] Ibid., p. 188.
[7] Ibid., p. 191.
[8] Ibid., p. 192.
[9] Ibid., p. 819-820.
[10] Ibid., p. 1049.
[11] Ibid., p. 419.
[12] Ibid., p. 1011.
[13] Ibid., p. 413.
[14] Ibid., p. 371.
[15] Ibid., p. 193.
[16] G.I Gurdjieff, Transcript of Gurdjieff’s Meetings, 1941-1946 (2008) London: Book Studio, p. 4.
[17] C.S. Nott, Teachings of Gurdjieff: The Journal of a Pupil (1962) NY: Weiser, p. 39–40.
[18] G.I. Gurdjieff, Rencontres avec des hommes remarquables (1960) Editions Julliard, p. 290-291.
[19] G.I Gurdjieff, Récits de Belzébuth à son petit-fils (1976) Editions Denoël, p. 716-717.
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